anita volker
Photographer / Film Maker
Entre-Sort Portraits
In vU
Photographies Cyril Caine / Delphine Crépin
Rendre beau l’insoutenable.Le portrait est une des disciplines les plus répandues dans l’art de la photographie, exercice flirtant dangereusement avec la vanité, passion voyeuriste. Mais qu’en est-il de cette beauté lorsque le sujet porte sur la défiguration ?
L’idée d’édulcorer l’apparence de visages triturés, accidentés, mourants afin d’épargner aux biens portant la vue de ces gens sans visages, sans noms n’est pas l’objet de ce projet. Comment rendre beau l’insoutenable ?
Le monstre, c’est le vivant de valeur négative.
C’est dans un but purement artistique que j’ai entrepris cette série de photographies, la défiguration, le corps substance, le portrait et la mémoire.
Devenues tabou après la première guerre mondiale avec l’apparition des « gueules cassées » et pourtant attraction des masses populaires dès 1812 en Angleterre, les personnes anormales ou défigurées sont aujourd’hui obligées de se cacher pour exister. Entre tératologie et tableau vivant, fresque moyenâgeuse et peinture de Vélasquez, je m’efforce de rendre beau l’insoutenable, pénétrer le regard du sujet, franchir la barrière de la chair difforme pour atteindre son humanité la plus profonde, Diane Arbus tendait à montrer les tressaillements de l’âme humaine, derrière l’horreur, l’accident ou les malformations l’âme elle reste intacte, en comprenant la pathologie, en écoutant la détresse et le désir d’acceptation d’une foule toujours plus avide de sensationnalisme, tout en évitant d’exposer une pornographie du handicap le modèle devient beau, fascinant, la répulsion est transcendée en onirisme, le portrait que nous voyons bien qu’extraordinaire, hors du commun mais pourtant bien réel devient celui un être aimé, qui a aimé.
Dante Alighieri disait dans sa « Divine Comédie » « Il n'est pire douleur que le souvenir du bonheur au temps de l'infortune. » le monstre a une fonction dans notre société, il a le pouvoir de normalisation, alors pourquoi le rejeter ?
Avec ces photos, cette série de portraits des cas les plus sévères à travers le monde, c’est une réflexion sur la beauté qui s’offre à nous, sur les critères esthétiques qui ont changé au fil du temps, au travers des époques. Nous ne parlons pas de normalisation de la défiguration mais de sa compréhension et de son acceptation, de savoir que ce qui nous fait peur peut être apprivoisé, que le laid peut être beau.
Je fais de ces modèles des portraits d’art ouvrant ainsi une réflexion sur le devoir d’acceptation de soi même, de l’autre, je traite de la question de l’identité et de sa perte, de la psychose à la démence en passant par la schizophrénie. Vivre sous le regard des autres lorsque l’on sait que l’on porte la face d’un autre, que voyons nous dans le miroir ?
The monster is the negative half of living. Disfigurement became taboo after the First World War with the emergence of « broken faces », Attraction from the masses since 1812 in England stopped and abnormal or disfigured people were then forced to hide in order to exist.
Intrigued by teratology and influenced by the medieval fresco painting of Grünewald, Cranach, Bosch, Caravaggio, the sculptor Berlinde De Bruyckere, I strive to make the unbearable beautiful. Somewhere between the penetrating gaze of the subject and the crossing barriers of twisted flesh lies the deepest part of a person’s humanity. Like Diane Arbus, I portray the thrills of the human soul behind the horror.
Whether disfigured by accident or birth, the soul remains intact. The pathology listens to the distress and desire for acceptance of a crowd eager for ever more sensationalism.
Disability becomes beautiful, fascinating. The portrait is extraordinary, unusual and yet very real. The repulsion is transcended into a loved one who has loved. Dante Alighieri said in his Divine Comedy « There is no worse pain than the memory of happiness in times of misfortune ». The monster has a function in our society, it has the power of normalisation, so why reject it ?
This sample from my series of 50 portraits of the most severe cases of disfigurement is a reflection on the beauty that is available to us, the aesthetic criteria that have changed, and not the normalisation of disfigurement, but its understanding and acceptance. It is to know that what we fear may be tamed and that the ugly can be beautiful.
These open a reflection on the duty of acceptance. I address the question of identity and its loss, and psychosis to dementia through schizophrenia.
Can you imagine to live in view of others when you know that you wear the face of another ? How do they accept this new identity although theirs has never really changed ?